Les livres d’Écosociété stimulent des discussions ! Deux auteurs de notre maison d’édition ont entamé une correspondance pour échanger leurs vues respectives sur la cybernétique. C’est Philippe de Grosbois, auteur du livre Les batailles d’Internet. Assauts et résistances à l’ère du capitalisme numérique (2018), qui a lu le livre de Pierre Henrichon, Big Data. Faut-il avoir peur de son nombre ? (2020) et qui souhaitait obtenir des précisions. Voici ce qu’ils avaient à se dire.
Big Data : faut-il avoir peur de son nombre ?
Cybernétique, dataveillance et néolibéralisme : des armes contre la société
Nous le constatons tous les jours : la nouvelle économie numérique qui carbure aux algorithmes et aux mégadonnées (Big Data) pose des défis de plus en plus préoccupants à nos sociétés, surtout en ce qui a trait à la protection de la vie privée, au travail ou au vivre-ensemble. Au-delà des promesses de progrès et de liberté que nous chantent ses principaux laudateurs, dont Google, Amazon et Facebook, quelles logiques, quels intérêts se cachent dans la lumière de nos écrans ? Qui possède nos données ? Quels dangers recèle la rencontre de l’automatisation du travail, de la cybernétique, de la quantification et du néolibéralisme à travers le Big Data ?
Ces logiques numériques capitalistes participent à l’amenuisement, voire à la suppression de l’espace politique, à l’érosion de la pertinence économique et sociale du travail humain et à la destruction de la société comme lieu de mutualisation des activités, des projets et des risques. Les moindres aspects de nos existences sont paramétrés en données, c’est-à-dire en marchandises ou en outils de surveillance. Il s’agit de tout mesurer, de numériser le réel et de réduire la vie à des indicateurs : seul ce qui est compté compte. Qui plus est, ces dynamiques accélèrent la mise en place d’oligopoles de la donnée d’une puissance financière et technologique sans précédent. En un mot, elles menacent ni plus ni moins nos sociétés de dissolution.
Pierre Henrichon déploie une analyse percutante des dynamiques sous-jacentes à ce véritable complexe sociotechnique et financier qu’est le phénomène du Big Data, mais offre également un vibrant plaidoyer contre cette tendance à réduire l’humain à une forme de capital dont il faut uniquement mesurer le rendement.