La blanchité aveuglante
Réflexions sur le racisme
« La question n’est pas seulement de savoir comment on m’a appris à être raciste, mais, plus précisément, comment on m’a entraîné à devenir aveugle aux dynamiques raciales du monde dans lequel je vis. »
Deni Ellis Béchard a dix ans quand il quitte Vancouver pour aller vivre dans la Virginie rurale, en 1984. Pour ce petit blond aux yeux bleus, né d’une mère étatsunienne et d’un père québécois, le choc culturel est grand. Très rapidement, on lui apprend à faire une distinction entre les Blancs et les Noirs. Le racisme qui sévit à l’époque dans cet État du sud des États-Unis, héritage des lois ségrégationnistes de l’ère Jim Crow, est encore très codifié dans les mœurs.
Plus tard, sur le campus de son université, les discussions sur le racisme lui semblent teintées de paternalisme et de condescendance, même de la part de personnes qui se disent progressistes et antiracistes. Deni se questionne de plus en plus sur les idées racistes qu’on lui a inculquées. Il cherche à comprendre comment celles-ci ont structuré sa pensée et ses attitudes, comment elles façonnent la société tout entière. C’est cet endoctrinement au racisme qu’il tente de déconstruire dans La Blanchité aveuglante, formule empruntée au philosophe Charles W. Mills dans Le contrat racial.
De son enfance au Canada à ses voyages comme reporter au Congo, en passant par le Vermont ou le Québec, Deni Ellis Béchard livre un portrait sensible et sans détour de ses expériences liées au racisme, en particulier envers les personnes Noires et les Autochtones. Fictions sur la race, violence du langage, racisme « bienveillant », fantasmes de supériorité et de victimisation, représentations et appropriation culturelle… Sa réflexion nous tend un miroir sans complaisance des dynamiques raciales à l’œuvre dans nos sociétés. Impossible de refermer ce livre sans s’interroger sur les mécanismes de son propre racisme.