Féminicides et impunité
Le cas de Ciaduad Juárez
Préface de Diane Lamoureux
Ciudad Juárez est devenue synonyme de violence extrême. Cette ville frontalière du nord du Mexique, où sont établies de nombreuses maquiladoras, constitue non seulement l’un des principaux sites de la guerre sans merci que se livrent les cartels de la drogue, elle représente aussi le lieu emblématique de ce qu’on appelle aujourd’hui le « féminicide ».
Plus d’un millier de femmes ont été tuées depuis 1993 dans cette ville de 1,3 million d’habitants. Leurs cadavres ont souvent été retrouvés sur des terrains vagues ou dans le désert entourant l’agglomération, portant des marques de torture et de sévices sexuels. Toutes sortes d’hypothèses circulent sur ces crimes, mais un fait demeure : la plupart sont restés impunis.
Comment expliquer une telle impunité ? Le terme de « féminicide » s’est peu à peu imposé pour désigner cette réalité intolérable qui n’est pas propre au Mexique. S’il signifie le fait de tuer une femme pour le simple fait d’être une femme, ce concept met également en cause la responsabilité de l’État, qui se révèle incapable de garantir le respect de la vie des femmes. De plus, le fait que les femmes assassinées proviennent en général de milieux modestes et racialisés ouvre la réflexion sur plusieurs types de féminicides.
Résolument inscrite dans une perspective féministe, l’analyse de Marie France Labrecque dépeint un contexte régional et une économie globale qui renforcent la violence de genre, alors que le patriarcat est présent dans toutes les couches de la société mexicaine. C’est avec la rigueur du travail de terrain et la générosité du témoignage engagé que cette chercheuse et anthropologue féministe tente de « comprendre l’incompréhensible ».