Objectif décroissance
Vers une société viable
, et
Sur une planète finie, la croissance économique infinie est impossible. Malgré cela, et pas seulement chez ceux qui en tirent d’astronomiques profits, on continue de considérer la croissance économique comme un objectif allant de soi. Nul besoin d’être économiste, pourtant, pour comprendre qu’un individu ou une collectivité qui tire la majeure partie de ses ressources de son capital, et non de ses revenus, est voué à la faillite. Cela n’empêche pas l’économie mondiale de puiser dans les ressources naturelles de la planète sans tenir compte du temps nécessaire à leur renouvellement. Non content de piller ce capital, le modèle économique dominant, fondé sur la croissance, induit en plus une augmentation constante de ces prélèvements.
Fondement de l’écologie politique jugé trop radical dans les années 1970, la contestation de la croissance économique dérangeait ; devant l’évidence de la crise écologique, des technocrates bien-pensants ont dû développer, au milieu des années 1980, le concept plus souple de « développement durable », qui tentait de concilier capitalisme et écologie. Aujourd’hui, à l’heure où un productivisme débridé se répand à l’ensemble de la planète, force est de constater qu’une telle conciliation ne mène nulle part et que les politiques environnementales, même si elles sont essentielles et trop peu appliquées, retardent une nécessaire prise de conscience.
Plus de trente ans après l’appel du Club de Rome invitant le monde à envisager une limite à la croissance économique, l’idée de décroissance revient en force. Pour que se déploie une « économie saine », les pays riches devraient réduire leur production et leur consommation de manière draconienne, ce qui signifierait entrer dans la décroissance. Une démarche de décroissance devra aller au-delà d’une simple réduction de la production et de la consommation, qui pourrait rimer avec récession : il faudra développer et encourager politiquement un modèle économique complètement différent.
Ce livre vise notamment à donner une suite aux travaux de l’économiste Nicholas Georgescu-Roegen (1906−1994), fondateur méconnu de l’économie écologique. Rappelant la finalité de l’activité économique – la joie de vivre –, il invitait ses contemporains à faire la distinction entre une vie riche et une vie de riche. Afin de donner une base concrète à cette nouvelle façon de concevoir l’économie, l’ouvrage relate aussi quelques expériences allant dans le sens d’une décroissance viable.