« En 2010, nous savons qu’il est impossible de continuer cette exploitation sans gravement affecter la santé des êtres humains et sans détruire à tout jamais d’importants écosystèmes. (…) Le portrait complet du scandale de l’exploitation des sables bitumineux au Canada révèle la profondeur de la bêtise de ceux qui accélèrent cette exploitation. Les coûts environnementaux, sociaux et économiques seront astronomiques pour le Canada, l’Amérique du Nord et même la planète, vu les vastes quantités de GES en cause. » Extrait de la préface de Les sables bitumineux : la honte du Canada
Les sables bitumineux : la honte du Canada
Comment le pétrole sale détruit la planète
Préface de Thomas Mulcair
Traduit de l’anglais Marianne Champagne
En entrant dans l’ère du bitume dans les années 1990, le Canada a pris un virage pétrolier d’une capacité de destruction sans précédent. Les sables bitumineux de l’Alberta font partie des derniers gisements pétroliers de la planète et les multinationales avides ont foncé tête baissée dans cette extraction, pour satisfaire notre aveugle dépendance. Pourtant, ce dangereux projet énergétique crée un fardeau écologique, social et économique colossal pour le pays et le reste du monde.
Le développement exponentiel et non planifié des sables bitumineux donne le vertige : une zone de 140 000 km² de forêt boréale rasée, qui représente un investissement de plus de 200 milliards de dollars et qui utilise 3 millions de barils d’eau par jour et consomme quotidiennement assez de gaz naturel pour chauffer une ville de 6 millions d’habitants. En effet, les techniques d’exploitations des sables bitumineux, que ce soit à ciel ouvert ou en profondeur, sont un véritable théâtre d’horreur écologique. Des immenses bassins de boues toxiques (130 km²) infiltrent les nappes phréatiques et empoisonnement la rivière Athabasca, la pollution de l’air due au raffineries rend l’air de la campagne albertaine aussi chargé de gaz que celui de la ville de Mexico ; le bilan environnemental des sables bitumineux est catastrophique.
À ce bilan écologique s’ajoute une une réglementation aux service des pétrolières et une absence totale de planification de la part des gouvernements provincial et fédéral, faisant de l’Alberta une région livrée en cadeau aux compagnies pétrolières qui ne versent qu’1% de redevances à la province. Les revenus pétroliers, entièrement consacrées aux baisses d’impôt, ne garantissent aucune prospérité à long terme pour le pays tant cet argent est mal géré. De plus, l’exploitation est destinée à alimenter prioritairement la soif de pétrole des États-Unis par pipelines, menaçant sérieusement la souveraineté énergétique du Canada.
La croissance déréglée des sables bitumineux fait aujourd’hui du Canada un État pétrolier à la santé démocratique menacée. Nous ne pouvons plus plaider l’ignorance ; le temps est venu de regarder le monstre bitumineux en face.
La publication de la version française de l’ouvrage magistral d’Andrew Nikiforuk sur les sables bitumineux constitue un fait marquant dans l’histoire environnementale au Canada. Ce travail exceptionnellement bien documenté demeure d’abord et avant tout un cri du coeur.
– Thomas Mulcair, extrait de la préface