La violence des villes
Au Nord comme au Sud, nous aimons les grandes villes, mais nous n’en aimons pas la violence. Un exercice à la mode est d’en attribuer les causes aux habitants les plus pauvres, puis d’adopter, pour les combattre, des stratégies sécuritaires : nos sociétés se transforment vite en sociétés de la peur.
L’urbanisme, déjà, divise l’espace en forteresses et bidonvilles. On ne peut pas continuer à penser l’urbanisation depuis les commissariats de police : une lecture alternative des phénomènes de violence et d’insécurité urbaines est nécessaire. Elle ne peut se faire qu’en les resituant dans le contexte de la violence de l’urbanisation et de globalisation. En prenant en compte, aussi, le point de vue des pauvres et en privilégiant, d’entre les pauvres, les « méchants », les outsiders, les illégaux, les bandits, les gangs. Il faut réapprendre la ville avec les gangs des bidonvilles. Quand tout paraît fermé, la « vision du pauvre » ouvre des pistes pour une pacification des territoires urbains.
Contre l’actuelle dérive sécuritaire, nous prônons un dialogue créatif avec ceux que le pouvoir diabolise. Ce livre devrait être ainsi un « manuel » offert aux habitants extrêmes, comme à tous ceux qui cherchent à saisir le sens de la ville, ceux qu’elle effraie comme ceux qui l’aiment et ne veulent pas y renoncer, même s’ils sont pauvres et « méchants », même si la ville les détruit plus qu’elle ne les protège. Pour reconstruire des villes habitables, il faut désobéir aux modèles.