Démocratie dans quel état ?
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Tout le monde est démocrate, cela va de soi. Mais ce mot « démocratie » signifie-t-il encore quelque chose d’autre qu’un consensus auquel on se rattache comme une bouée de sauvetage malgré son insignifiance ? Comment expliquer à la fois l’engouement et la méfiance qui précèdent la démocratie ? Huit philosophes de renom répondent à ces questions et abordent, chacun à leur manière, les controverses et les écueils de ce modèle politique, déboulonnant le mythe démocratique pour aboutir à un constat d’échec. À l’heure où les taux de participation aux élections diminuent comme peau de chagrin, une telle réflexion est plus que nécessaire.
La démocratie n’est qu’un principe inachevé et qu’une possibilité parmi les multiples modes de partage du pouvoir politique. Elle n’a jamais apporté aucune réponse précise quant à l’organisation des pouvoirs, la représentativité, le contrat social, ou quant à une quelconque union entre gouvernement et souveraineté populaire. Au lieu de cela, elle s’est traduite par une soumission totale aux lois de l’économie et du marché, réduisant ses sujets à la consommation et à l’individualisme. Pis, elle s’est métamorphosée en emblème, un autel moderne devant lequel nous nous prosternons, une « preuve de civilisation » au nom de laquelle l’État inaugure une ère de massacres et de dominations (colonisation, guerre en Irak…) et remplace « pouvoir du peuple » par « loi de la majorité ».
Si les démocraties actuelles ne sont en réalité que des démocraties oligarchiques, il devient nécessaire de retrouver ce que la démocratie porte en elle de plus fécond et de défendre sa capacité émancipatrice. Il nous faudra la destituer en tant qu’emblème pour s’en emparer et la réinventer, enfin.
La démocratie c’est bien, à condition d’empêcher les démocrates de l’exercer.
– Jacques Rancière
Publié en France aux éditions La Fabrique.