À bout de patience
Pierre Perrault et la dépossession
Comme les personnages des documentaires de Pierre Perrault, Olivier Ducharme est à bout de patience… Devant le laisser-faire propre à l’économie triomphante et l’absence apparente d’alternative, la colère qui traverse l’œuvre cinématographique du réalisateur de Pour la suite du monde est saine, et d’une brûlante actualité. Mais quel sens donner à cette filmographie empreinte de colère et d’indignation ?
À bout de patience se penche sur la notion de dépossession économique et culturelle dépeinte dans les récits que Perrault rapporte de ses aventures en Québécoisie, et qu’il approfondit à partir du dernier volet de la trilogie de l’île aux Coudres ainsi que dans les cycles abitibien et amérindien. À travers l’œil de la caméra du documentariste, Ducharme convoque les personnages et les images qui habitent les films de Perrault pour penser notre époque : prolétarisation et dette (Les voitures d’eau), perte du territoire et dépossession agricole (Un royaume vous attend), dépossession culturelle chez les Autochtones (Le goût de la farine). Le constat est amer : nos sociétés sont soumises à un inexorable processus de dépossession face au rouleau compresseur de la mondialisation, aboutissant à une profonde perte de pouvoir des populations.
Se réappropriant la parole critique de Perrault, Ducharme nous rappelle que, par son indépendance d’esprit, le poète-cinéaste demeure une référence pour les luttes actuelles et futures. Perrault aimait rappeler qu’il faut « faire quelque chose de ce qu’on a fait de nous ». Ainsi, pour Ducharme, « si la mémoire et l’héritage de Perrault ont encore du sens aujourd’hui, c’est parce qu’ils nous convainquent que rien n’est plus important que la diversité culturelle et la liberté ».